Guinée / Reportage / Le riz local nourrit des villes Guinéenne et Ivoirienne

1 513

80 % des actifs vivent de l’agriculture. Le riz est l’un des produits les plus cultivés. Cette denrée essentielle constitue la base de l’alimentation des Guinéens. Sa production et sa commercialisation ne permettent pas d’assurer un revenu stable aux familles qui en vivent. La production nationale, 820 000 tonnes en 2008, ne suffit pas à couvrir les besoins alimentaires. Le pays est donc obligé d’en importer 300 000 tonnes par an.

En 2010, le GRET, membre du CFSI, s’associe avec la Maison Guinéenne de l’Entreprise pour soutenir les différents acteurs de la filière riz (producteurs, transformateurs, commerçants). L’objectif est d’améliorer les rendements, d’augmenter les revenus des familles et d’approvisionner des villes en produits locaux de qualité. Plusieurs activités sont mises en œuvre : accès aux semences, formation à de nouvelles techniques de culture et à la gestion, introduction d’équipements agricoles plus performants, réalisation de travaux d’aménagement pour gérer l’approvisionnement en eau et augmenter la surface des terres cultivables, construction de magasins de stockage pour améliorer la conservation des semences et des denrées alimentaires. Les résultats sont au rendez-vous.

Les producteurs et les transformateurs de riz adoptent de bonnes pratiques. Ils améliorent la qualité des produits et accèdent ainsi aux marchés de manière durable en nouant des accords avec les commerçants. Ils forment des groupements pour être plus efficaces et mieux organisés, au niveau local et au niveau national, et dialoguent avec les pouvoirs publics. Le projet ne s’arrête pas là. Un travail identique est mené auprès des producteurs d’huile de palme. 237 groupements ont participé aux diverses activités. Ceci représente 4 879 familles, soit environ 20 000 personnes qui ont vu leurs conditions de vie améliorées grâce à ce projet soutenu par les donateurs du CFSI. Ce projet a bénéficié d’un financement du CFSI à hauteur de 30 000 € sur 2 ans dans le cadre du programme Agriculture et Alimentation du CFSI et de la Fondation de France. Selon M. Nyanga Doré, producteur de riz en Guinée forestière et membre du groupement Poulouhali, depuis 2010, le projet l’accompagne dans différents domaines dont la fourniture en semences, en herbicide, en insecticide, en engrais, en pulvérisateur et kits de protection. «  J’ai reçu aussi plusieurs formations notamment sur les techniques d’application des produits phytosanitaires, de conservation des semences, de lutte intégrée contre les déprédateurs. D’autres formations étaient axées sur la gestion. De plus, notre union a été équipée d’un motoculteur pour les travaux de labour. Notre groupement qui s’est spécialisé en production de semences a bénéficié d’un magasin pour mieux conserver nos produits. A notre demande, le projet  a organisé une formation sur l’itinéraire technique pour la démultiplication de semence de riz à l’intention des membres du groupement. Mes amis et moi recevons des conseils techniques périodiquement. Ces appuis sont profitables pour moi, mon groupement et mon village. Pour preuve, je parviens à pulvériser mon champ sans le technicien. A mon tour, je conseille mes amis. Ensuite, les membres de notre groupement produisent de la semence dans la qualité reconnue des clients. Personnellement, j’ai vendu un sac de 100 kg de semence de Nerica à raison de 500 000 GNF alors que le riz paddy est à 320 000 GNF. J’ai fait un don de semences à ma belle famille afin de la multiplier. Je compte leur expliquer toutes les techniques de production, de la préparation du sol à la récolte et au stockage. J’ai entrepris aussi la riziculture de contre saison dans mon bas-fond qui a été réhabilité avec l’appui du projet. J’espère produire plus de riz grâce à la maîtrise de l’eau dans les casiers. Pour finir, je remercie l’équipe du projet, les initiateurs et ceux qui l’ont soutenu financièrement. Je souhaite la poursuite des appuis pour mieux approvisionner les villes en riz de bonne qualité et améliorer les conditions de vie de nos familles ». a-t-il dit.

Pour Bangaly Keîta, décortiqueur de riz en Guinée Forestière, membre du groupement Benkady, avec l’appui du projet, ces amis et lui ont décidé de s’unir pour constituer le groupement Benkady. L’objectif principal est de confronter la difficulté liée à l’équipement et à l’entretien des machines à décortiquer. « Notre groupement est membre de l’union des décortiqueurs, qui est elle-même membre de la Fédération des Riziculteurs. Les appuis du projet ont été satisfaisants dans la mesure où ils ont permis un changement dans notre méthode de travail et de gestion des unités de transformation. Par exemple, je contrôle plus facilement mes dépenses et mes recettes et j’ai réussi à fidéliser ma clientèle par mon accueil à l’atelier et ma politique de prix. Grâce à la stratégie qui m’a été proposée par les animateurs du projet, je suis parvenu à renouveler la machine à décortiquer qui m’a été vendue à crédit à travers mon groupement. J’assure moi-même le dépannage de ma machine et je viens en aide à mes amis. Tout ceci est le produit des formations reçues auprès des animateurs du projet. Au niveau du groupement, nous échangeons librement au cours des réunions. Les décisions sont prises en commun. Nous avons établi des règles qui prévoient une assistance sociale aux membres dans des circonstances définies par l’assemblée. Tous les membres du groupement Benkady sont informés des règles de conduite et des activités. J’ai été élu au poste de Président de mon groupement par confiance mais aussi par mon engagement. En résumé, les appuis du projet m’ont rendu plus autonome et plus efficace dans mon travail ». a indiqué ce décortiqueur de riz guinéen.

La mécanisation de la riziculture

Dans la région de Sinko, la majorité de la population sont des riziculteurs. La plupart utilise les machines dans la riziculture. D’autre, utilise les bœufs et les moins nantis les dabas. Cette région qui produit des milliers de tonnes par an, les riziculteurs ventent toutes leurs productions dans la région et aussi en Côte d’Ivoire dans la bafing. « Nous sommes obligés de ventre tous nos productions pour rembourser nos dettes. Parce qu’au cours de l’année, nous empruntons des crédits pour la scolarisation de nos enfants, des soins médicaux et d’autres dépenses au cours de l’année. », a souligné Bamba Losseni.

La production rizicole attendue à 1,6 million de tonnes en 2018/2019

Selon l’Agence Ecofin, en Guinée, la campagne de commercialisation 2018 à 2019 devrait s’achever en septembre prochain sur une récolte de 1,6 million de tonnes de riz. C’est ce qu’a indiqué le Département américain de l’agriculture (USDA) dans un rapport publié. D’après l’institution, les superficies emblavées en 2018 à 2019 s’élèvent à 1,81 million d’hectares soit 15 000 hectares de plus que la saison précédente du fait de l’utilisation accrue des équipements modernes agricoles. Pour sa part, la consommation est estimée à 2,2 millions de tonnes sur l’hypothèse d’une hausse de la croissance démographique et de la préférence des Guinéens pour le riz sur les autres produits agricoles locaux comme le fonio, l’igname et le maïs. Le gouvernement ambitionne de porter la production rizicole nationale à 4,6 millions de tonnes de riz d’ici 2025 dans le cadre du Plan national d’investissement agricole et de sécurité alimentaire et nutritionnelle (PNIASAN) couvrant la période 2018-2025.   En Guinée, la riziculture est principalement réalisée sur les flancs des collines (65 % de la superficie totale rizicole), dans les mangroves (16 %), les plaines alluviales (9 %) et les plaines (10 %).

Miser sur la qualité

Entre 2000 et 2014, les surfaces ensemencées sont passées de 666 000 à 985 000 hectares et la production a augmenté de près de 50 %, pour frôler les 2 millions de tonnes. L’aménagement de surfaces rizicoles sur les bas-fonds en Guinée forestière, mais aussi dans les plaines et les mangroves de Basse-Guinée permet à ces régions de représenter aujourd’hui 18 % de la surface rizicole du pays et 16 % de la production nationale. « Dans la zone de mangrove, le long de la côte, nous avons aménagé 10 000 hectares depuis 1997 », raconte Alpha Oumar Sow, cadre du ministère de l’Agriculture. Sur une partie de la zone, un projet de valorisation du riz local, conduit en partenariat avec le Groupe de recherche et d’échanges technologiques (Gret), le CFSI, la Fondation de France et l’Agence française de développement (AFD), a accompagné 17 unions ou groupements de producteurs et de transformateurs, soit 2 700 agriculteurs et plus de 2 000 étuveuses. « Nous avons travaillé avec la recherche pour sélectionner les semences les plus adaptées afin de produire du riz étuvé très apprécié des consommateurs. Des conseillers ont également appuyé les petits paysans dans l’appropriation de nouvelles techniques : des digues construites autour des parcelles ont empêché leur invasion  par l’eau de mer, qui détruit les cultures. En saison sèche, il faut au contraire laisser l’eau rentrer, car elle élimine les mauvaises herbes, ce qui nous permet de limiter l’utilisation de produits chimiques », poursuit Alpha Oumar Sow. Une charte de qualité a été rédigée et la filière se structure en interprofession pour une meilleure concertation entre agriculteurs, étuveuses, commerçantes, etc.

 

Concurrencer le riz importé

 

Les résultats ne se sont pas fait attendre : entre le début de l’expérimentation et 2015, les rendements sont passés de 1,3 à 2,5 tonnes à l’hectare. Les acteurs de la filière ont également travaillé à la mise en place d’une marque collective pour un riz haut de gamme de mangrove. Ce riz böra maalé (« riz de boue » en soussou) vise une clientèle aisée qui fréquente les restaurants et les supermarchés urbains. Malgré un prix supérieur de 25 % à celui des autres riz locaux, « les consommateurs sont prêts à payer ! », sourit le coordinateur du projet, à la recherche de futurs débouchés en Guinée, mais aussi sur les marchés bio et équitables en Europe. Le développement de cette marque pourrait permettre d’intégrer dans cette dynamique une trentaine de groupements de producteurs. Les marges dégagées grâce à ce produit haut de gamme pourraient aussi faciliter le lancement d’autres riz étuvés à des prix plus accessibles pour le consommateur guinéen moyen. Et ainsi concurrencer le riz importé, notamment d’Inde, qui surfe sur la préférence des Guinéens pour le riz étuvé en exportant à bas prix. Cette concurrence ne décourage pas Alpha Omar Sow, bien décidé à prendre ses compétiteurs de vitesse. Le réseau böra maalé réfléchit ainsi à engager une démarche pour obtenir une « indication géographique » (certification protégeant les produits liés à un territoire). Les acteurs de la filière ont aussi gagné en notoriété : le programme alimentaire mondial a en effet acheté aux étuveuses de l’interprofession en janvier dernier 30 000 tonnes de riz destinées essentiellement aux cantines scolaires.

Moussa Camara