Côte d’Ivoire / Marche du front commun / répression, peur et silence à Cocody

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Ce samedi 11 octobre 2025, le front commun PDCI-RDA / PPA-CI avait prévu une marche de protestation à Abidjan pour dénoncer le rejet des candidatures de Laurent Gbagbo et Tidjane Thiam à la présidentielle du 25 octobre. Mais dès l’aube, les forces de l’ordre ont verrouillé les accès aux points de rassemblement. La manifestation n’aura jamais eu lieu.

Prévue d’abord pour le 4 octobre puis reportée au 11, la marche devait partir de Cocody Saint-Jean pour s’achever au supermarché Sococé des 2 Plateaux.
Mais avant même le lever du soleil, des camions de police et des pick-up des forces anti-émeutes encerclaient la zone. Toute tentative de regroupement a été violemment dispersée.

« Les gens n’ont même pas eu le temps de crier un slogan. Ils ont tout bouclé avant qu’on arrive », raconte Sylvain, étudiant à l’Université de Cocody.

Selon plusieurs témoins, des civils ont été embarqués de force dans des cargos de police, sans aucune indication sur leur destination. Des femmes ont été traînées au sol, des hommes frappés à coups de matraque, tandis que des jets de gaz lacrymogène envahissaient les rues calmes de Cocody.

La presse, pourtant présente en nombre, n’a pas échappé à la répression.
Plusieurs journalistes ont été empêchés de filmer, leurs appareils confisqués ou brisés, d’autres brièvement interpellés avant d’être relâchés.

« Quand on n’a rien à cacher, on n’a pas peur des caméras. Ce pays vit dans le trouble, et le pouvoir le confirme chaque jour », dénonce Anouman, entrepreneur témoin de la scène.

« S’ils interdisent les images et les interviews, c’est qu’ils ont des choses à se reprocher », renchérit Kobenan Suisse, ménagère à Yopougon.

Les témoignages recueillis sur place traduisent une peur palpable. « Je parle avec peur. Si on me voit répondre à vos questions, je risque d’être frappé ou arrêté », confie un étudiant, visiblement terrorisé.

Malgré l’interdiction formelle émise la veille par le préfet d’Abidjan, Andjou Koua, le front commun PDCI-RDA / PPA-CI avait maintenu sa décision de manifester. Dans un communiqué signé de sa porte-parole, Me Habiba Touré, l’opposition affirmait que « la marche du 11 octobre 2025 aura bel et bien lieu ».

Un défi direct au pouvoir, qui n’a pas tardé à réagir avec une fermeté implacable.

« Est interdite toute marche le 11 octobre 2025 sur toute l’étendue du territoire du département d’Abidjan », stipule l’arrêté préfectoral pris le 10 octobre.

Résultat : un samedi de violence, de peur et de silence.
Les militants du front commun n’ont pu ni marcher, ni s’exprimer.
Plus de 200 personnes auraient été interpellées, selon plusieurs sources concordantes.

La répression ne s’est pas limitée à Cocody.
Des échauffourées ont éclaté dans d’autres communes d’Abidjan comme Yopougon et Attécoubé, mais aussi dans plusieurs villes de l’intérieur, notamment Lakota et Tabou.
Les forces de l’ordre ont multiplié les interventions, dispersant les groupes de manifestants à coups de gaz lacrymogène et de lances à eau.

Des pneus ont été brûlés, des courses-poursuites ont eu lieu dans certaines artères.

« C’était une matinée de tension. On respirait le gaz lacrymogène jusque dans les maisons », témoigne une habitante de Cocody-St Jean.

Cette journée du 11 octobre 2025 restera comme un épisode sombre pour les libertés publiques en Côte d’Ivoire.
Les images de manifestants traînés au sol et de journalistes empêchés d’exercer leur métier soulèvent de sérieuses inquiétudes sur l’état de la démocratie à quelques jours de la campagne officielle.

L’opposition parle de « musellement du peuple ».
Le gouvernement, lui, évoque la préservation de l’ordre public dans un contexte électoral sensible.

« On ne peut pas parler de paix en étouffant la voix des citoyens », a réagi un cadre du PDCI joint par Nasopresse.com.

En fin de matinée, le calme est revenu à Cocody, mais les traces de la répression demeurent : vitres brisées, gaz encore perceptible dans l’air, et surtout un sentiment d’humiliation chez les manifestants dispersés.
Les cadres du front commun, eux, se sont murés dans le silence, préparant sans doute leur riposte politique.

« Aujourd’hui, c’est la peur qui a marché à notre place », conclut amèrement un militant du PPA-CI.

M.C
Nasopresse.com