Accusé de détournement de 736 millions de francs CFA par le syndicat de l’Office d’Aide à la Commercialisation des Produits Vivriers (OCPV), le Directeur général, M. Gnenye Adou Bernard, a décidé de sortir du silence. Face aux journalistes réunis au siège de l’institution, il a livré, documents à l’appui, sa version des faits et les dessous d’un bras de fer qu’il qualifie de « pure cabale syndicale ».

Le Directeur général de l’OCPV, M. Gnenye Adou Bernard. Photo: Dircom
La conférence de presse, organisée ce jeudi 9 octobre 2025 à la demande de plusieurs médias, visait à clarifier les soupçons relayés par certaines publications évoquant un détournement de 736 millions F CFA. D’entrée, M. Adou Bernard a rappelé la mission et l’évolution de l’OCPV, structure publique placée sous la double tutelle du ministère du Commerce et du ministère du Budget.
Créée en 1984, la structure est passée d’une direction centrale à une direction générale en 2023, transformation que le DG a pilotée depuis sa nomination en 2017.
« Lorsque j’ai pris fonction, l’OCPV était en difficulté, avec un fort taux d’absentéisme et des agents démotivés. Nous avons restructuré, créé un syndicat, une mutuelle, et instauré des délégués du personnel pour dynamiser le dialogue social », a-t-il expliqué.


Le nœud du conflit remonte à la réforme du système de primes d’incitation. Face à la fuite du personnel vers d’autres administrations mieux rémunérées, la direction a obtenu l’autorisation du ministère du Budget pour instaurer deux types de primes : Une indemnité spécifique, versée à tous les agents ; Une prime d’incitation, conditionnée à la performance, à l’assiduité et à la ponctualité.
Cette mesure, saluée par certains, a été contestée par une frange d’agents regroupés autour d’un syndicat nouvellement créé, qui exigeait une répartition uniforme. « Je ne peux pas récompenser de la même manière ceux qui se tuent au travail et ceux qui ne viennent jamais », a tranché le DG.
Ce désaccord a dégénéré en conflit ouvert, avec des plaintes adressées aux tutelles et une saisine du Conseil d’État, finalement jugée irrecevable en avril dernier.


Etat détaillé des indemnités et primes du personnel fonctionnaire premier trimestre 2021.
Au cœur des accusations figure la somme de 736 millions F CFA, que le syndicat présente comme un détournement de fonds.
Pour M. Adou Bernard, cette allégation relève d’une confusion volontairement entretenue.
Selon lui, le montant réel transféré à la mutuelle de l’OCPV s’élève à 267,5 millions F CFA, issus des reliquats des primes d’incitation non versées aux agents ne remplissant pas les critères. Ces fonds, a-t-il précisé, sont parfaitement traçables et validés par les services de contrôle, notamment le contrôleur budgétaire et l’agent comptable.
« Les sommes versées à la mutuelle ont servi à l’achat d’un terrain de trois hectares pour un projet immobilier au profit des agents. Les relevés bancaires sont disponibles. Je ne suis même pas signataire du compte de la mutuelle », a-t-il assuré.


Pour justifier les retenues opérées sur les primes de certains agents, le DG s’est appuyé sur plusieurs dispositions du Code du travail et du Statut général de la fonction publique.
Il a notamment cité l’article 31.1 du Code du Travail (Loi n°2015-532) et les articles 91, 100 et 180 du Statut, qui prévoient des retenues sur traitement en cas d’absence non justifiée.
« Nous avons agi dans le strict respect de la loi. L’arrêté interministériel sur les primes ne saurait primer sur des textes législatifs. Le Conseil d’État nous a donné raison sur la forme », a-t-il rappelé.
Adou Bernard a aussi dévoilé ce qu’il qualifie de « motivations inavouées » derrière la campagne de dénigrement. Selon lui, certains leaders syndicaux et responsables de la mutuelle chercheraient à régler des comptes personnels.
« Le secrétaire général du syndicat a dû rembourser 400 000 F détournés par le passé. La présidente de la mutuelle, récemment alliée au syndicat, a été sanctionnée après avoir insulté la direction. Ces personnes mènent une guerre personnelle sous couvert de revendications sociales », a-t-il dénoncé.

Le DG a dressé un tableau positif de sa gestion : Effectif passé de 118 agents en 2019 à plus de 270 en 2025 ; Résorption d’un déficit de 380 millions F CFA hérité de la gestion précédente ; Acquisition de 200 véhicules et d’équipements informatiques pour toutes les directions régionales ; Paiement de dettes sociales (CIE, CNPS, etc.) ; Hausse des recettes propres de 39 à près de 340 millions F CFA par an.
« Je suis chevalier de l’ordre du Mérite national, officier du mérite commercial et industriel, et j’ai reçu plus d’une quinzaine de distinctions pour ma gestion. Si j’étais un détourneur, je n’aurais pas ces résultats », a-t-il déclaré avec fermeté.
Tout en dénonçant la manipulation médiatique, le DG s’est dit ouvert à la reprise du dialogue avec le syndicat, à condition que la discussion se fasse dans le respect du mérite et de la performance.
« Le président de la République prône l’excellence. Je ne sanctionne pas par plaisir, mais pour responsabiliser. Ceux qui veulent le changement doivent d’abord venir au travail », a-t-il lancé.

Certificat d’arrêt de travail de M. Yao Kouassi.
Concernant le Cas Spécifique de M. Yao Kouassi (décédé), le DG a vivement démenti les accusations selon lesquelles les retenues sur la prime de M. Yao Kouassi, un agent non-voyant et syndicaliste décédé, auraient causé sa mort. Il a affirmé que M. Kouassi a régulièrement perçu ses primes, malgré ses absences fréquentes. Une seule retenue a été appliquée sur sa prime du 4ème trimestre 2023, justement parce que le syndicat exigeait une application stricte des règles pour tous. Il a précisé que les paiements ont été rétablis par la suite. Il a également souligné que M. Kouassi avait été sanctionné directement par le ministère de la Fonction Publique pour ses absences et que les documents officiels de congé maladie de longue durée n’ont été reçus que très tardivement, le 16 janvier 2025, bien après la période de contentieux. Il qualifie les affirmations du syndicat de « mensonge ».
Le Directeur Général a abordé d’autres griefs soulevés par le syndicat, les qualifiant de mauvaise interprétation ou de non-sujets : Le cas de M. N’Goran Brou Hyacinthe : Un agent décédé pour qui le syndicat réclamait un salaire plus élevé. Le DG a expliqué que l’agent avait postulé et signé un contrat pour un poste de niveau Bac+2, acceptant le salaire correspondant, même s’il avait un diplôme supérieur.


S’agissant la question sur le Droit de Réponse de M. Amani et la Gestion des Ressources Propres : Le journaliste qui avait publié l’article initial a fait part d’un droit de réponse de M. Amani (le leader syndical), qui qualifie les fonds versés à la mutuelle de « fonds publics » et accuse le DG de ne jamais rendre compte de la gestion des ressources propres. Le DG a répliqué que la gestion des ressources propres est rigoureuse et a vu les revenus annuels passer de 39 millions à près de 340 millions de francs sous sa direction. Il a précisé qu’il rend des comptes aux organes de contrôle de l’État (Cour des Comptes, etc.) et non au syndicat, et que le comité de trésorerie est un organe formel. Il a réaffirmé que les versements à la mutuelle proviennent du reliquat des primes et sont parfaitement traçables.
La rencontre s’est achevée par un appel à la presse à vérifier les faits et à ne pas se laisser instrumentaliser.
« Cette affaire est avant tout une question de rigueur administrative, pas de détournement. J’ai la conscience tranquille », a conclu Adou Bernard.
Moussa Camara
Nasopresse.com