Société / Abidjan sous les eaux / Quand chaque pluie devient une menace de mort

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À Williamsville, comme dans des quartiers précaires d’Abidjan, la saison des pluies rime avec angoisse et drames. Entre infrastructures défaillantes et constructions anarchiques, les habitants vivent avec la peur que la prochaine averse emporte leur maison ou leur vie.

‎Quand les nuages s’assombrissent au-dessus d’Abidjan, un frisson parcourt Williamsville. Ce quartier populaire, niché dans la commune d’Adjamé, vit au rythme des saisons et des tragédies annoncées. Ici, la pluie n’est pas une bénédiction. Elle est synonyme de peur, de pertes et, trop souvent, de deuil.

‎Les habitations se pressent sur des terrains accidentés, au bord de ravins ou le long de caniveaux étroits, souvent bouchés par les déchets.

‎Des familles entières s’y entassent, sans véritable sécurité. Quand les pluies s’abattent, elles n’ont parfois que quelques minutes pour fuir ou tenter de sauver ce qui peut l’être.

‎Le souvenir des drames passés hante encore les habitants. En 2022, une mère et ses deux enfants ont été emportés par les eaux à Yopougon. Récemment, le mardi 21 mai 2025 à Attécoubé, trois vies ont encore été fauchées. Et à Williamsville, les mêmes conditions persistent.

‎ « Chaque saison pluvieuse, c’est une loterie macabre. On ne sait jamais qui sera la prochaine victime. Il faut saluer les efforts du ministre-gouverneur Robert Beugré Mambé, qui a engagé des opérations de déguerpissement dans certaines zones à haut risque. Mais il faut aller plus loin et plus vite », déclare Moussa Coulibaly, un commerçant

‎Le comble : tout un quartier est installé en contrebas d’une côte abrupte, où un immeuble fissuré menace de s’effondrer sur plus de 2 000 personnes.

‎Une réalité glaçante, une bombe à retardement. Ce constat nous déchire le cœur. Le danger est imminent, et si rien n’est fait, le pire est à craindre. Gouvernement, aidez-les ! Bacongo tagué.

‎« On a peur ! Moi je suis commerçante ici au marché. Chaque fois qu’il pleut fort, je ferme ma boutique et je cours chez moi pour voir si ma maison tient encore debout. On ne peut plus vivre comme ça. S’il vous plaît, qu’on vienne nous aider ! », crie Awa Diabaté, vendeuse de pagnes.

‎Malgré les alertes récurrentes des météorologues et les reportages poignants des médias, les actions concrètes restent trop limitées.

‎Quelques curages de caniveaux, des opérations de relogement symboliques, des discours d’urgence… mais sur le terrain, la situation évolue peu.

‎« On n’a ni électricité stable, ni eau courante, et encore moins des routes praticables. On construit là où on peut, pas là où on veut. On n’a pas les moyens d’aller ailleurs. Et après, on nous accuse d’être les seuls responsables », témoigne Ibrahim Koné, un jeune du quartier.

‎Les quartiers précaires continuent de pousser dans des zones à risque, souvent sans permis, sans aménagement, sans espoir.

‎« La réalité, c’est que beaucoup vivent ici par nécessité, pas par choix. Il faut donc que l’État aide réellement ces populations à se reloger de manière durable, pas juste avec des promesses », insiste Moussa Coulibaly, en appelant à un plan d’urgence national.

‎Le gouvernement ne peut plus se contenter de mesures ponctuelles. Les autorités locales, les mairies et les ministères concernés doivent agir en synergie : cartographier les zones dangereuses, interdire toute nouvelle construction illégale, reloger durablement, sensibiliser à grande échelle et, surtout, anticiper.

‎« Ici, quand il pleut, on ne dort pas. On surveille les murs, le niveau de l’eau, les enfants. C’est comme si on vivait chaque nuit sous menace. On n’est pas des citoyens de seconde zone, on mérite d’être protégés », lbrahim Koné

‎Mais la responsabilité ne revient pas uniquement aux dirigeants. Les citoyens aussi doivent changer leurs habitudes. Jeter les ordures dans les caniveaux, bâtir sur des terrains instables ou refuser de quitter un logement menacé, c’est jouer avec la mort.

‎L’urgence climatique n’est plus une menace lointaine : elle s’invite déjà dans chaque pluie qui s’abat avec une violence inédite.

‎À Williamsville, Yopougon, Attécoubé et bien d’autres quartiers d’Abidjan, chaque pluie est un test. Un test de responsabilité collective, de réactivité des autorités, de solidarité entre citoyens.

‎Combien de maisons doivent encore s’effondrer ?, Combien de corps faut-il encore pleurer ?

‎À l’approche de la grande saison des pluies, les discours ne suffisent plus. Il faut agir. Maintenant. Avant qu’une simple goutte ne devienne une tragédie de plus.

Zon Modou