La filière avicole, plus particulièrement l’aviculture moderne, est apparue au cours de ces dernières années comme une solution attractive pour satisfaire la demande de plus en plus croissante en protéine animale de la population africaine (FAO, 2008). En Côte d’Ivoire, les productions avicoles constituent un maillon essentiel du système de production animale. Ce secteur a connu un essor spectaculaire au cours des quinze dernières années. Les différentes composantes nécessaires au développement de l’aviculture moderne auxquelles s’ajoutent les associations professionnelles mises en place pour une meilleure organisation de la filière avicole moderne sont présentes (Anonyme, 2012). Cependant, cette filière connait des difficultés qui freinent son développement. Il s’agit entre autres de la qualité et le coût de l’alimentation, les faibles performances des élevages et les problèmes liés à la qualité des produits avicoles et à ces difficultés, s’ajoutent également des problèmes pathologiques (M’Bari, 2000).
Pour lutter contre ces contraintes zootechniques et pathologiques, les éleveurs utilisent les médicaments vétérinaires en particulier les antibiotiques. Malgré leur nécessité dans les actions thérapeutiques et leur utilité économique, ces antibiotiques sont parfois utilisés de façon abusive (Stolz, 2008). Ainsi, l’usage intensif des antibiotiques, si leur délai d’attente n’est pas respecté, peut laisser dans les aliments d’origine animale des résidus dangereux pour le consommateur et capables d’entraîner des accidents d’hypersensibilité ou des intoxications (Dosso, 2014). Face à ce constat, certains éleveurs ont décidé d’adopter l’usage des médecines alternatives. Il s’agit ici de l’intérêt des produits nutraceutiques et aliments fonctionnels utilisés en élevage de poulets de chair et de leur comparaison par rapport aux produits chimiques de synthèse tels que les antibiotiques. L’utilisation de ces produits nutraceutiques et aliments fonctionnels en aviculture moderne constitue une curiosité pour le marché du District des Montagnes dont le Chef-lieu est Man. C’est dans ce cadre que se situe l’enquête dont l’objectif général est d’analyser les avantages de l’utilisation des produits nutraceutiques et aliments fonctionnels dans la conduite des élevages avicoles principalement des élevages de poulets de chair.
Phase d’échantillonnage
Pour l’échantillonnage, seuls les élevages de poulets de chair ont été retenus. C’est un important critère de choix dans le cadre de l’étude sur l’année. Afin d’avoir un échantillon représentatif dans chaque département, plusieurs localités situées sur différents axes ont été choisies. Il se trouve que 20 éleveurs utilisent les produits nutraceutiques et aliments fonctionnels dans la conduite de l’élevage de poulets de chair, soit 27 % des aviculteurs du district. Il faut noter que les poussins de chair d’un jour sont de mêmes souches et proviennent d’un même couvoir d’approvisionnent.
Figure 2 ; Bande d’un élevage de 1000 poulets de chairs
Collecte des données techniques
Parmi les 75 aviculteurs de poulets de chair que compte le District des Montagnes, nous avons mené des enquêtes pour déterminer les produits de traitements utilisés en élevage et la connaissance des notions relatives aux résidus d’antibiotiques dans la viande et le délai d’attente des médicaments vétérinaires. En outre, les fiches technico-économiques élaborées par le Projet d’Appui et Développement de l’Elevage en Côte d’Ivoire (PADECI) ont permis de calculer les paramètres zootechniques tels que le poids moyen des poulets de chair chaque semaine, le Gain Moyen Quotidien, l’indice de consommation, le taux de mortalité des poulets de chair et le coût de production du poulet de chair à âge-type.
Analyse des données techniques
Les données statistiques ont été effectuées à partir du logiciel STATISTICA version 7.1.
Les comparaisons des paramètres zootechniques et du coût de production ont été réalisées en utilisant le Test U de Mann-Whitney, qui est un test statistique non paramétrique qui permet de tester l’hypothèse selon laquelle la distribution des données est la même dans les deux groupes. Le seuil de significativité a été fixé à 5% (p < 0,005).
RESULTATS
Notion de résidus d’antibiotiques et de délai d’attente des médicaments vétérinaires
L’enquête a permis de mettre en exergue quatre thèmes clés par lesquels les 75 éleveurs de poulets de chair ont été évalués (Tableau I). IL s’agit de :
− Notion de résidus d’antibiotiques dans la viande : 15% des éleveurs informés et 85% l’ignorent ;
− Notion du délai d’attente des médicaments vétérinaires après leur utilisation dans la conduite de l’élevage : 55% des éleveurs informés et 45% l’ignorent ;
− Risque des antibiotiques pour le consommateur de poulets de chair : 80% des éleveurs informés et 20% l’ignorent ;
− Respect du délai d’attente des médicaments vétérinaires par l’éleveur : aucun éleveur ne respecte les recommandations qui sont indiquées sur les produits vétérinaires (antibiotiques, vitamines, anticoccidiens, etc…).
Les résultats ont permis de mettre en évidence les connaissances des éleveurs à propos des risques que peuvent représenter les résidus des produits chimiques dans la viande pour les consommateurs de poulets de chair. Il se trouve que ces éleveurs ignorent certaines informations relatives à l’emploi des médicaments vétérinaires lors des traitements curatifs ou préventifs.
Tableau I : Evaluation du niveau de connaissance des éleveurs
Intitulé de l’enquête | Fréquence et nombre d’éleveurs correspondants | |||
Oui | Non | |||
Fréquence en % | Nombre d’éleveurs | Fréquence en % | Nombre d’éleveurs | |
Notion de résidus | 15 | 11 | 85 | 64 |
Notion du délai d’attente | 55 | 41 | 45 | 34 |
Risque lié à l’usage des antibiotiques sur la santé publique | 80 | 60 | 20 | 15 |
Respect du délai d’attente | 0 | 0 | 100 | 75 |
Evaluation économique
Les charges d’exploitation prennent en compte les intrants composés de poussins, aliments, médicaments, main d’œuvre, transport des intrants, la dotation aux amortissements et certaines dépenses diverses. Elles s’élèvent en moyenne par bande de 1 737 900 FCFA pour les élevages utilisant les produits nutraceutiques et aliments fonctionnels contre 1 764 900 FCFA au niveau des élevages utilisant les antibiotiques et aliments complets de commerce. La conduite des différents types élevages s’est effectuée sur une période de 49 jours. Il faut souligner que les amortissements concernent le poulailler, le puits et le matériel d’élevage. Ils sont estimés annuellement à 150 000 FCFA, soit 30000 FCFA par cycle de production parce que les éleveurs font 5 bandes de 1000 poulets de chair en moyenne par an (Tableau III). Le nombre moyen de poulets vendus est de 978 par bande au niveau des élevages utilisant les produits nutraceutiques et aliments fonctionnels. Ce qui a donné un coût moyen de production par poulet et par bande de 1807 FCFA. Cependant, le nombre moyen de poulets vendus est de 966 par bande au niveau des élevages utilisant les antibiotiques et aliments complets de commerce, soit un coût moyen de production de 1 858 F CFA. S’agissant des produits d’exploitation, le prix de vente du poulet est de 2200 FCFA en moyenne sachant que les ventes ont commencé entre 35 et 40 jours d’âge. Les recettes ont été respectivement de 2 152 578 FCFA pour les poulets nourris à l’aliment fonctionnel et aux produits nutraceutiques contre 2 126 166 FCFA, pour les poulets de chair nourris à l’aliment complet de commerce et aux antibiotiques. Il est intéressant de souligner que chaque éleveur a pu obtenir un bénéfice net quel que soit le type de conduite d’élevage adoptée.
Moussa Camara