Côte d’Ivoire / Kouassi (Pdt de l’ONG « Mains Unies d’Afrique ») prévient… « Si rien n’est fait, la faim sera plus mortelle que la pandémie de Covid19 »

Transitaire de formation doté d’un diplôme supérieur en transit-douane, N’Goran Kouassi est le président de l’organisation non gouvernementale (ONG) « Mains Unies d’Afrique » qui lutte depuis plus de 14 ans, sans grands moyens, pour la sauvegarde de l’environnement à travers des idées ingénieuses. Dans l’entretien qu’il a bien voulu nous a accordé, cet amoureux de la nature tire sur la sonnette d’alarme quant au danger qui plane sur la terre relativement à l’action de l’homme sur l’environnement. « Si rien n’est fait (…) la faim sera plus mortelle que la pandémie de la Covid19 », prévient-il.

PHOTO : Le président de l’ONG « Mains Unies d’Afrique » (MUA), N’Goran Kouassi, lutte, sans grands moyens, depuis plus 14 ans, pour la sauvegarde de l’environnement

Présentez-vous à nos lecteurs

Je me nomme N’Goran Kouassi, président de l’organisation non gouvernementale (ONG) « MAINS UNIES D’AFRIQUE (MUA) » Je suis transitaire de formation doté d’un diplôme supérieur en transit-douane.

Pouvez-vous présenter l’organisation « Mains Unies d’Afrique. »

« Mains Unies d’Afrique » est une organisation non gouvernementale créée en 2010 et accréditée en 2018 par la Convention des Nations Unies chargée de la lutte contre la désertification et la sécheresse (UNCCD). Pour les autres Conventions telles que la protection de la biodiversité, la lutte contre les changements climatiques de même que du Programme des Nations Unies pour l’environnement nous avons fait la demande d’accréditation. Elle est en cours de traitement. « Mains Unies d’Afrique » a été créée suite à un constat. En tant que fils de paysan, très jeune, je partais au champ avec mes parents. À cette époque, il pleuvait régulièrement et les productions agricoles étaient bonnes. Il y avait de gros arbres un peu partout également. Les forêts sacrées étaient protégées au point qu’elles ne connaissaient pas d’incendie. Dans les années 2000, cette beauté naturelle a commencé à disparaitre par la faute des hommes. Alors, je me suis dit si l’on ne prend pas des initiatives sérieuses pour lutter contre ces actions, notre environnement sera détruit et les générations futures auront du mal à vivre. Ce qui était pensé en 2010, se vit aujourd’hui. Donc, c’est ce constat qui a motivé la création de « Mains Unies d’Afrique. »

Pourquoi cette appellation ?

D’aucuns se demanderont. Pour réussir une mission d’envergure mondiale, il faut l’union. Alors si les hommes du monde entier s’unissent pour venir à bout de ce fléau qui menace notre planète, nous allons y arriver. Notre organisation est présente dans une dizaines pays par des directeurs nationaux. En Côte d’Ivoire, nous avons comme directeur national, Monsieur Paulin Guy Gahoudi, en Guinée Conakry, Monsieur Fortuné Kaloubi, en Guinée-Bissau, Monsieur Antonio Mêle, en Haïti, Monsieur Samuel Theogene, en France Madame Chloé, au Niger, Monsieur Luc Bossé.
Nous envisageons être présent partout dans le monde. Nous avons un comité de sages dirigé par Monsieur Jérôme Yépéya Coulibaly.

Quels sont les objectifs de votre organisation ?
Les principaux objectifs de « Mains Unies d’Afrique » sont la lutte contre les feux de brousse, la promotion du reboisement, la création et l’aménagement des espaces verts des villes et communes, la3 sensibilisation en hygiène, en santé et en éducation.

Quelles sont les activités menées sur le terrain par votre organisation ?

Nous avons eu à mener des activités de sensibilisation de lutte contre les feux de brousse. Il faut reconnaître que l’une des causes principales de la désertification et la sécheresse en Côte d’Ivoire et dans le monde est le feu de brousse. Non seulement cette action favorise la dégradation des terres, elle détruit aussi les plantations et agglomérations. Nous avons entrepris aussi des reboisements dans certaines régions de la Côte d’Ivoire telles que à Alepé, avec notre partenaire l’Organisation nationale des agriculteurs de Côte d’Ivoire (ONACI), à Dabakala avec la Coopérative d’entraide de Dabakala (COOPEDA), à Sikensi avec le directeur régional de « Mains Unies d’Afrique » d’Agneby-Tiassa, à Bayota avec le directeur régional du Gôh. Chaque 17 juin étant décrété journée mondiale de la lutte contre la désertification et la sécheresse organisée par l’UNCCD, à cette occasion, nous menons des actions éclatées de reboisement partout en Côte d’Ivoire et dans les pays où sommes représentés. En 2023 par exemple, lors cette journée, nous avons organisé une cérémonie de reboisement dans le village Songon M’Brahté. Malheureusement, malgré notre ferme volonté, nous ne pouvons faire de campagne de reboisement à grande échelle.
Vous venez d’indiquer que vous ne pouvez pas faire de reboisement à grande échelle. Qu’est ce qui explique le fait que votre marge de manœuvre soit réduite ?
Aujourd’hui, entreprendre une activité de reboisement demande beaucoup de moyens financiers. Avant de faire le planting, il faut d’abord faire l’entretien de la superficie à exploiter. Après le reboisement, il faut nettoyer la parcelle afin de permettre aux jeunes plants de mieux se développer. Donc réaliser des reboisements à grande échelle nécessite de gros moyens financiers. Pour l’heure, les actions que nous menons sur le terrain se font grâce aux cotisations des membres de l’organisation d’une part, et d’autre part, grâce aux personnes de bonne volonté. En 2023, dans le village de Songon M’Brathé dans le District d’Abidjan, nous avons bénéficié du soutien financier de l’Honorable Osée, cadre du village, chef de ce village et du celui du directeur général de la société Tranch-ivoire. Au niveau de l’État, nous bénéficions déjà des appuis institutionnels et logistiques de nos ministères de tutelle. Et À chaque opération de reboisement, nous bénéficions du soutien Ministère des Eaux et Forêts à travers des plants et aussi de l’appui technique de ses agents sur le terrain. Comme je le disais tantôt, une telle opération exige de grands moyens financiers. Je pense qu’avec le temps nous allons y arriver. Surtout que l’enjeu est mondial et les effets néfastes de ce danger se font sentir.

Selon vous, qu’est ce qui pourrait expliquer « le silence financier » des autorités ivoiriennes à l’égard de votre organisation ? Vous reprochent-elles quelque chose ? Ne réalisent-elles pas le danger qui guette l’environnement ou c’est un manque de vision ?

Beaucoup d’organisations existent dans le domaine de la lutte contre réchauffement climatique, mais malheureusement très peu sont actives sur le terrain. Je pense que l’Etat à l’œil regardant sur les actions des ONG sur le terrain pour celles qui mènent réellement des actions. Sinon, il est très soucieux du danger qui guette notre environnement. Vu que nous avons déjà des appuis institutionnels, techniques et logistiques de nos ministères de tutelle. L’aide financière viendra un jour.

Pensez-vous sincèrement que le reboisement puisse freiner la destruction de l’environnement et la désertification qui avance à grands pas ?

Effectivement. Souvent, il nous arrive de nous inquiéter surtout avec l’urbanisation qui dégrade la forêt. Mais, le reboisement prend une autre forme. Aujourd’hui, on parle de l’agro-foresterie. Ce qui veut dire qu’on peut planter des arbres au sein des plantations qui existent déjà. C’est la nouvelle donne. Avec l’évolution, il y a des techniques appropriées aux réalités du moment. On ne peut pas entreprendre le reboisement à grande échelle sur les parcelles déjà occupées. Mais avec l’agro-foresterie, on peut résoudre ce problème. Aussi, dans les villes où nous vivons, cela fait partie de nos objectifs, on peut faire la promotion de la création des espaces verts. Aujourd’hui, l’une des politiques que nous sommes en train de mettre en place est de créer des espaces verts et surtout des jardins botaniques dans toutes les grandes villes de la Côte d’Ivoire. Voyez-vous beaucoup d’enfants sont nés dans nos villes, mais ils n’ont pas la chance d’aller au village. Il leur est donc difficile de connaitre la forêt. Mais avec les espaces verts réhabilités et les jardins botaniques, nous pensons que ce problème sera en partie résolu.

Peut-on faire le bilan de vos actions depuis votre existence et avoir une idée des perspectives de l’organisation à travers vos projets ?

Le bilan de l’ONG est positif. D’autant plus que, chaque année, nous faisons des reboisements. Même si tu plantes un seul arbre, nous ne nous ne disons pas que c’est suffisant, c’est déjà quelque chose. Or, nous plantons beaucoup d’arbres chaque année. L’autre point positif de notre bilan est que nous ne travaillons pas seul. Nous travaillons en partenariat avec des organisations. Quand ces organisations ont des festivités, elles nous invitent et nous adressons un courrier au Ministère des Eaux et Forêts qui nous assiste techniquement et nous faisons des reboisements. Tout cela nous permet de dire que notre bilan est positif. Maintenant, en ce qui concerne les perspectives, c’est ce que nous avons tant tôt évoqué avec le manque de moyens financiers. Nous envisageons avec le soutien de l’Etat de Côte d’Ivoire, réhabiliter les forêts sacrées. Aujourd’hui, le responsable de la gestion des forets sacrées qui est le colonel Kouadio Kouassi, qui connait très bien « Mains unies d’Afrique », nous partageons une nouvelle vision qui est une bonne gestion des forêts sacrées. C’est un patrimoine qu’on peut bien sauvegarder et qui regorge tous les éléments de l’écosystème pour permet à l’être humain de vivre dans les conditions idoines. L’autre perspective est de rentrer dans les médias avec une chaine de télévision. C’est peut-être lourd, mais imaginez une chaine de télévision « Mains unies d’Afrique » qui, chaque jour, évoque des sujets relatifs à l’environnement et des méfaits des actions de l’homme sur l’environnement. Il aura une prise de conscience relative au danger qui guette l’environnement. Nous voulons aller plus loin avec l’insertion de la question environnementale dans le programme scolaire et le système éducatif des tout-petits. L’autre point de nos perspectives est d’être une ONG à forte capacité afin de pouvoir restaurer le couvert forestier à hauteur de 10% d’ici 2030.
La question des déchets plastiques est l’un de nos défis que nous souhaitons mener à travers des ateliers avec des différents experts pour trouver la solution en vue pallier à cette situation, est en cours de traitement.

Un vaste projet. Mais en attendant, revenons à l’actualité marquée par la préparation de la COP16 en Arabie Saoudite. C’est quoi la COP 16 ?

La COP 16 c’est la 16ème session des parties des Nations Unies chargée de lutter contre la désertification et la sécheresse. Cette convention de la lutte contre la désertification et la sécheresse fait la promotion de la lutte contre la désertification et la sécheresse au niveau mondial. Aujourd’hui, la situation ne laisse personne indifférent. Tout le monde sait qu’il y a quelque chose qui se passe avec ce changement brusque de climat. Il pleut à tout moment, il fait chaud à tout moment. Et quand il pleut, les dégâts sont énormes, quand il fait chaud les dégâts sont également énormes. Tout le monde est conscient que si rien n’est fait en amont notre monde va vers sa destruction. Donc cette Convention a été créée pour sauver notre environnement. Aujourd’hui, on observe ce qui se passe au Pôle Nord avec les montagnes de glaces qui fondent, qui s’écroulent. Cela est le signe d’un danger. Cette Convention nous permet de prendre conscience de la destruction qui menace l’humanité.

Quels sont les enjeux de votre participation à cette COP et ses intérêts pour la Côte d’Ivoire ?

Les enjeux sont très importants. D’abord pour nous, organisations, cela permet de rencontrer d’éminentes personnalités du monde, de grands chercheurs, à travers les nombreux ateliers et séminaires, qui nous donnent des orientations afin de mener à bien nos actions sur le terrain dans nos pays. C’est bénéfique pour la Côte d’Ivoire qui est passée de 16 millions d’hectares de couvert forestier à moins de 2 millions d’hectares de forêt. Au cours de ces rencontres de haut niveau, cela permet à chaque pays d’exprimer sa réalité et d’avoir des solutions pour faire face aux dangers qui guettent son environnement. Les enjeux sont donc capitaux et pour les organisations et pour les pays qui y participent en vue de bénéficier des conclusions des travaux de ces experts.

Vous venez de mentionner l’importance des enjeux pour vous et la Côte d’Ivoire. Cependant au regard de la modicité de vos moyens financiers, votre participation à ce grand rendez sur l’environnement est incertaine. Quelles sont vos attentes vis-à-vis de l’Etat de Côte d’Ivoire et des organismes internationaux afin de participer à la COP 16 ?

Nous demandons à l’Etat de nous soutenir financièrement. Si nous y allons et que nous revenons avec des résultats, ces résultat-là, sur le terrain, appartiennent à l’Etat. Ce que nous demandons à l’Etat est nous aider à participer à ce grand rendez-vous sur l’environnement. Quand nous sommes absents à ces rencontres, c’est comme si le pays est fermé. Nous avons confiance en notre gouvernement. Il va nous aider à participer à cette grande rencontre internationale. Nous sommes comme une équipe nationale de foot-ball qui va représenter notre pays à une compétition. Nous avons besoin du soutien financier de l’Etat afin de participer à ce rendez-vous sur l’environnement en vue de revenir avec des résultats qui sont des informations, des expériences que nous aurons de la part des éminentes personnalités qui seront présentes. Nous demandons aussi aux ambassades accréditées en Côte d’Ivoire de même qu’aux organismes internationaux de nous aider à prendre part cette rencontre internationale.

Et pour faire entendre aussi la voix de la Côte d’ivoire sur les questions environnementales ?

Effectivement pour faire entendre la voix de la Côte d’Ivoire. Telle est la politique du pays pour parer à ce danger mondial. On a parlé de la pandémie de la Covid 19, mais la prochaine pandémie qui sera encore plus meurtrière c’est la faim. Or si le problème environnemental n’est pas résolu, la faim sera à nos portes. Une situation aggravée par les crises qui surviennent un peu partout dans le monde. Il est donc très important que cette rencontre soit le souci majeur des autorités ivoiriennes.

Votre mot de fin…

Je vous remercie de cette rencontre qui m’a permis de m’exprimer sur ce sujet important qui intéresse toute la planète

Interview réalisée par Moussa Camara